La vie tourmentée du frêne
"Dans les pays Baltes on raconte que le frêne serait un étourdi, toujours en retard pour émettre ses feuilles quand le printemps arrive, trop pressé de se rendormir avant l’arrivée de l’hiver.
Une autre version circule de la baltique, bien plus flatteuse…
C’était il y à très longtemps… si longtemps qu’il nous faut d’abord avertir le lecteur de certains phénomènes fort anciens.
La forêt n’a pas toujours été comme nous la connaissons aujourd’hui un bel ensemble d’arbres qui voisinent, du moins les croit-on en parfaite harmonie.
Non, il fut un temps, au tout début du commencement de la vie ou chaque espèce n’était représentée que par un seul individu qui découvrait la vie et se créait ses petites habitudes. Chacun en fonction de son caractère, de ses envies, de son entrain, mettait au point ses stratégies de survie qui devaient ensuite devenir la référence pour tous les descendants à venir de l’espèce. Il fallait que le monde se fasse, c’est ainsi qu’il s’est construit.
Lourde responsabilité pour les premiers habitants de la planète bleue, mais qui explique assez bien pourquoi aucune espèce, si proche soit elle de sa cousine ne fonctionne à l’identique, et pourquoi dans une même espèce, ils font tous les mêmes choses à peu près.
Le premier printemps
Et bien, vous le croirez si vous voulez, mais à la sortie du premier hiver que la terre ait eu a connaître, ce fut une belle et monstrueuse pagaille. Parmi les arbres surtout, d’autant qu’a cette époque reculée ils n’étaient guère que les seuls habitants de la planète ; mis a part quelques herbes encore toutes affolées de se trouver là (le nom d’herbes folles date d’ailleurs de cette époque) Décrire une telle scène n’est pas chose facile, mais sachez qu’à cette époque le mot solidarité n’existait pas encore, beaucoup s’en faut. C’étais le chacun pour soi qui prévalait et, faute de mieux, chacun s’en accommodait.
Le sureau n’attendait même pas le moindre signal pour pointer le bout de son nez. Tout pressé qu’il était, il émit ses premières feuilles avant que le dégel ne soit amorcé. Il avait sans doute peur de se faire voler la première place et, résultat, aujourd’hui encore ses bourgeons éclatent en plein cœur de l’hiver… Il n’est pas rare qu’une gelée un peu trop forte ne vienne lui rappeler la prudence !
Le saule, lui, est malin, il a senti le vent tourner et ce signe ne l’a pas trompé, il peut ainsi s’épanouir en toute tranquillité, tout comme le bouleau ou le peuplier qui, peu de temps après ont eux aussi ouvert l’œil.
Le châtaignier et le hêtre ne tardèrent pas à suivre leurs exemple et bien vite, ils émirent de belles et larges feuilles vertes.
Le chêne trompé par une chute tardive de neige, a bien failli être en retard au rendez-vous mais le grand gaillard, plein de ressources eut vite fait de rattraper le temps perdu.
Le printemps était déjà là, que le frêne dormait encore profondément.
Apercevant sa nudité anormale, ses voisins décidèrent de le réveiller. Taquins et moqueurs, ils ne prirent pas de gants pour héler le grand étourdi. Surpris, l’arbre aux centenaires sursauta, tressaillit et subit les commentaire moqueurs qui lui arrivait à la pointe des rameaux…
Debout fainéant, disait le sureau.
Alors on fait la grasse, bougonnait le saule.
Déjà réveillé ironisait le chêne
Vexé le frêne ne dit rien… mais il n’en pensait pas moins. Il se concentra, réfléchit un instant, sentit le sens du vent, huma l’atmosphère, pesa le pour et le contre, bref analysa la situation et sans mot dire, ouvrit ses premiers bourgeons.
Quoique risqué, le coup était bien joué, car avec les années, le frêne se rendit compte qu’il craignait le coup de froid printannier, un réveil tardif lui évitait de voir ses jeunes feuilles brûler par le gel. L’été venu comme il n’était pas aussi fainéant que voulait bien le dire ses confrères, il crût vite et bien. En peu de temps, il accomplit son cycle végétatif, c’est pour quoi désormais, l’automne venu, il tire sa révérence avant tout le monde, prenant ainsi un repos prolongé. L’été suivant il est à nouveau plein de vigueur et pousse plus vite que tous ses voisins médusés qui n’osent plus aujourd’hui, le railler."