{Nouvelle} Les apparences

LES APPARENCES…

Elle était si belle dans sa petite robe bleue. Elle avait l’air d’un ange. J’avais aperçu cette fillette le matin même, dans l’église, alors que ma sœur allait prononcer ses vœux et épouser l’homme qu’elle aimait depuis son enfance.
Je ne saurais dire pourquoi, mais elle avait tout de suite attiré mon regard. La vue des enfants, d’habitude, ne m’enchantait pourtant pas plus que cela. Mais là c’était plus fort que moi.
Au repas du soir, je sentis quelqu’un tirer sur ma manche, alors que j’étais en train de me demander comment j’allais me débarrasser de ce crétin qui me racontait toutes les blagues salaces de son répertoire. C’était elle. Elle levait vers moi de grands yeux bleus pleins d’innocence en secouant encore mon bras.
« Madame ? me dit-elle. Madame, je m’ennuie. Vous voulez venir jouer avec moi ? J’ai un ballon. » Sa petite voix me fit fondre. Et puis entre écouter l’autre encore des heures et aller amuser la fillette, il n’y avait pas photo. Et il fallait que je comprenne ce qu’il y avait de si attirant chez elle… Je m’excusai, me levai et la suivis. Elle me tirait par la main et courait presque, comme impatiente de retrouver son ballon.
Nous arrivâmes dans la fraîcheur du soir. Les grillons s’en donnaient à cœur joie tout autour de nous et des grenouilles coassaient dans un étang non loin de là. C’était féerique, et cette fillette angélique qui se tenait devant moi d’un air impatient me donnait encore plus l’impression d’être arrivée au pays des fées. J’étais plongée dans un état de quasi euphorie. C’était très étrange. Mais en même temps cela me paraissait presque naturel. Comment une simple fillette et une douce nuit pouvaient-elles me mettre dans un tel état ? C’en était presque irréel.
Mais ce rêve éveillé ne dura que peu de temps. Alors que nous jouions à nous renvoyer le ballon, mon ivresse euphorique laissa peu à peu la place à l’inquiétude, sentiment sournois qui me contractait l’estomac. Que se passait-il ? De cette gamine si mignonne, si attirante quelques minutes auparavant, je sentais sourdre le mal, l’envie de violence maléfique et vicieuse. Son sourire angélique se transformait petit à petit en un rictus vicieux et sadique. Bientôt, je fus incapable de bouger le moindre orteil pour lui renvoyer le ballon. Elle aussi s’était figée et elle me fixait de ses yeux maintenant noirs et dans lesquels le mal absolu faisait briller des étincelles rouges comme l’enfer.
Nous restâmes plantées l’une en face de l’autre pendant de longues, trop longues minutes. Les grenouilles et les grillons s’étaient tus, comme s’ils attendaient d’entendre ce qui se passait. J’étais sous son total contrôle. Je me sentais comme une statue chaude et vivante. Son regard me brûlait. Je me sentais mourir. Tout devint noir. J’étais perdue dans les ténèbres.
Quand je pus enfin revoir quelque chose, je me trouvais dans un endroit blanc, éblouissant. Je sentais vaguement quelque chose m’enserrer poignets, taille et chevilles. J’étais allongée sur quelque chose de mou. Mais mon corps ne m’appartenait plus. Je m’agitais comme une forcenée et hurlais les pires obscénités. Certaines m’étaient même inconnues. Un homme au visage fermé et à la blouse blanche vint enfoncer la grosse aiguille d’une seringue dans mon bras. Je l’insultai comme jamais je n’avais insulté quelqu’un. Je mis longtemps à comprendre et à me faire à l’idée que ce n’était pas un cauchemar.
J’étais dans un hôpital. Un hôpital pour aliénés. Je n’étais pourtant pas folle. La fillette avait pris possession de mon corps et m’y avait emprisonnée. À jamais.
J’avais été trompée par le diable.

très beau texte, je l' ai lu d' une traite ce qui est rare sur internet, franchement bravo

j'aime beaucoup aussi !!!!!!
bravo Mariounette !!!!!!!!!!

merci!