Il arriva qu'un Sire de La Roche; n'ayant pour seule heritiere de ses immenses biens, que sa douce et belle fille, Berthe; resolut demarier son enfant a un chevalier assez fort pour defendre son chateau, ses biens, sa terre et ses hommes.
Il fit donc annoncer partout que la main de la riche heritiere, sa fille, appartiendrai au chevalier qui saurai, a la suite d'un combat loyal, se montrer vainqueur de tous ses adversaires; non point un de ces tournois a armes courtoises ou il ne s'agissait que de rompre quelques lances de bois de frene et ou le seul peril encouru sont quelques chutes et quelques contusions, mais bien un veritable combat, au tranchant et a la pointe de lourde epées d'acier et duquel les rivaux en presence ne devaient sortir que victorieux ou mourrant...
st2 Le premier chevalier qui se presneta fut le Sire d'une terre voisine, le Comte de Montaigu, un colosse, fier de sa force qui pouvait se vanter que nulle lance advairse ne fut jamais parvenue a le desarconner.
Contre un tel adversaire, tout essai de lutte eu ete une pure folie, aussi, nul champion ne se presenta....
En secret, pourtant, un coeur avait ete dechirée par cette nouvelle et saignait d'une profonde blessure, c'etait celui de la comtesse Alix de Salm a qui tout d'abord, le comte de Montaigu avait engagé sa foi, elle aimait d'un amour profond cet ingrat et ne pouvait lui pardonner cet injure.
Mais c'est toute une lignée de rude heros, issus, au XIe siecle, de Gimbert, Cadet de la maison de Luxembourg, que sortait la Comtesse de Salm; les larmes etaient indignes de son sang et elle ne pleura point....
st2 Au jour dit, tous les chevaliers, toutes les dames du pays d'Ardenne se trouvaient reunis dans la cour du chateau de la Roche, au pied du haut donjon dominant les eaux torrantueuses de l'Ourthe.
Suivant le reglement edicté par le Sire du lieu, a l'heure ou, sur le sol, la lente course du soleil aurai amené jusqu'a la margelle du grand puits l'ombre allongée de la tour (dite "tour des Sarrasins" depuis qu'y avait ete serrés les trophées rapportés de la croisade), si personne ne s'etait presenté pour se mesuere au terrible Comte de Montaigu, le combat devrait etre xonsidéré comme fini et l'heureux vainqueur de recevoir le digne prix de sa vaillance: la main de la belle et douce Berthe...
st2 L'epaisseur d'une main encore, et la limite etait atteine, deja le Sire de la Roche prenait la min de sa fille Berthe, pret a l'ofrir au vainqueur, lorsqu'un bruit attira vers l'entrée du chateau, toute l'attention de l'assistance.
Au pied des murs, devant le premiers pont levis, trois appel de cor avaient retenti...
Bientot, au galop, d'un alerte petit cheval d'Espagne, un cavalier faisait son entrée dans la cour.
st2 Pour le Comte de Montaigu, quel singulier adversaire! C'etait un tout petit chevalier, presqu'un enfant; de taille si frele que, par dessus la cuirasse, de vos deux mains, vous l'eussiez pu facilement enclore, et des jointures de son heaume, dont la visiere etait etroitement fermée, s'echapaient quelques boucles vagabondes de cheveux blonds, fins et meu recerclés.
A la vue de ce chetif champion, le Comte de Montaigu fut saisi d'un si formidable acces de rire que, sur ses larges epaules, dans un retentissant cliquetis d'acier, toute son armure trembla...
st2 Et devant les chevaliers et les dames saisis de pitié pour l'imprudent damoiseau si temerairement amoureux de la douce Berthe, l'inegal combat commenca...
Dans un formidable bruit de fer, au lourd galop de son cheval de bataille, le Comte de Montaigu se precipita contre son faible adversaire, le petit chevalier a la sombre armure; celui ci n'etait armé que d'un harnois leger et son cheval n'etait protegé d'aucune armure. Avec une adresse merveilleuse, enlevée d'une main alerte, d'un seul bond, cette souple monture evita le choc violent du Comte de Montaigu...
st2 Un murmure d'etonnement et d'admiration parcourut l'assistance et excita la fureur du Comte; en un instant, il s'etait retourné et marchait de nouveau avec plus de lenteur et de methode cette fois, contre son adroit rival.
Mais il avait beau multiplier ses coups, tous demeurai sans effet? Sous son pesant harnois, le Comte de Montaigu commencaita avoir terriblement chaud; du heaume du cavalier, des flancs du cheval,, la sueur ruisselait et mouillait la terre. Moderant alors les bons de sa monture, le petit chevalier s'arreta et attendit en une attitude droite, provocante et ferme; profitant de cet instant, le Comte accourut, l'epee du colosse tournoya en l'air et, avec un eclair d'cier, s'abattit en sifflant sur l'imprudent jouvenceau. Un cri d'angoisse retentit dans l'assistance: le coup etait capable de fendre en deux la cime d'une roche; mais deja le petit chevalier n'etait plus là, un nouveau bon lui fait esquiver le danger et il caracolait au loin, tandis qu'netrainée par son elan, la lourde masse du Comte de Montaigu, perdant l'equilibre et desarconnée, s'abattit avec un fracas de fer brisé sur le sol.
Plus prompt que l'eclair, le petit chevalier saute a terre, court a son rival rendu impuissant par le poids de ses armes et, introduisant sous la jointure du heaume la mince lame de la legere epee, il trancha d'un seul coup, la gorge du redoutable Comte...
st2 Un instant apres, l'heureux pere conduisait tout haut du donjon les nouveaux epoux vers la chambre nuptiale
Et bien! mon cher fils, dit il a on gendre, au moment de franchir cette porte qui vous conduit au bonheur, consentez a relevez enfin la visiere du heaume qui me cache votre visage, afin que, en pere aimant, je puisse vous donner l'accolade d'un affectueux baiser.
D'un geste, le jeune homme fit comprendre que son premier baiser devait etre pour sa femme et qu'a elle seule d'abord, il devait devoiler l'etrange mystere qui couvrait sa personne; la porte se referma.
Le Comte de la Roche descendit l'escalier du donjon de la douce Berthe, heureuse epouse d'un epoux passionné qui, par amour pour elle, affrontait de si effrayants perils, avait vaincu un adversaire reputé invinsible, demeura, pour inaugurer son bonheur, seule en la chambre nuptiale avec le eptit chevalier a la sombre armure...
st2 Le lendemain, a la premiere heure, impatient de constater enfin et de partager le bonheur des heureux epoux, le Comte etait dans la cour du chateau, au pied du donjon, attendant leur reveil et leur venue, mais le soleil montait toujours sur l'horizon, raccourcissant de plus en plus l'ombre projetée sur le sol par le toit pointu de la tour des Sarrasins, et l'anxieux pere n'avait encore vu paraitre ni sa fille berthe, ni si le mari si amoureux et heroiquement epris de celle ci, le petit chevalier a la sombre armure....
Las enfin de cette longue et veine attente, le Comte escalada les marches du donjon et courut a la porte de la chambre nuptiale et tendit attentivement l'oreille.
Tout aux douces joies de leur mutuel amour, les heureux epoux ne parlaient point.
st2 Berthe! Berthe! ma chere fille!...mes chers enfants! murmura discetement le Comte. Rien ne lui repondit
Avec un peu plus d'affectueuses insistances, il frappa doucement a l'huis. POint de reponse encore.
st2 Le silence; un silence inquietant et lourd, interompu seulement d'une facon monotone et lugubre par les sourds mugissements des flots torrentueux de l'Ourthe roulant sur son lit de roche, au pied du donjon...
Impuissant a reprimer a present ses paternelles inquietudes, le Comte poussa la porte; elle cede, la chambre est vide et la fenetre ouverte
st2 D'un bon, le pere affolé s'y precipite l'oeil hagard, scrutant le vide avec terreur: au fond de l'abime, sur le rocher, au bord de l'Ourthe, deux points faisaient tache: l'un etait noir, l'autre etait blanc....
En une course eperdue, le Comte devala les degrés du donjon, traverse la cour du chateau, puis l'avant cour, saute d'un seul bon sur les larges marches taillées dans le roc qui s'engouffrent sous la voute d'entrée, franchit les deux pont levis, parcourt comme un fou, nu tete et sans egard pour sa dignité souveraine la rue escarpée ou logent, dans de modestes chaumieres, sous la protection des hautes murailles du castel, tous les serfs du domaine, et viet s'effondrer enfin, pantelant d'angoisse, au bord de la riviere; Devant ces eaux mugissantes, sombres et hostiles.
st2 Le mysterieux chevalier n'etait autre que la Comtesse Alix de Salm qui, sous ce deguisement, s'etait vengée du Comte de Montaigu et de la belle Berthe e la Roche
Sujet: Le petit chevalier a la sombre armure 
